Barème des indemnités

L’ordonnance du 22 septembre 2017 a instauré un barème des indemnités prud’homales, également appelé barème « Macron ». Ce barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixe, en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, un plancher et un plafond qui encadrent le montant des dommages et intérêts accordés par les juges en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1/ La conformité du barème « Macron » au droit international

Dans un jugement du conseil de prud’hommes du Mans en date du 26 septembre 2018 (RG F 17/00538) le conseil considère que le barème des indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est conforme au droit international relatif à la réparation du licenciement injustifié.

Licenciée en date du 03 octobre 2017, une salariée conteste, d’une part la licéité de son licenciement, et d’autre part l’application du barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée par l’article L. 1235-3 du code du travail. La salariée se fondait sur l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) qui stipule que « si les juges arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. ».

En effet, le barème inséré dans le code du travail encadre la réparation du préjudice lié à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement entre un montant minimal et  un montant maximal lié à l’ancienneté du salarié. La liberté d’appréciation du préjudice par le juge apparaît donc bornée.

Pour motiver sa décision de conformité de la norme nationale à la norme internationale, le conseil de prud’hommes retient « que si l’évaluation des dommages et intérêts est encadrée entre un minimum et un maximum, il appartient toujours au juge, dans les bornes du barème ainsi fixé, de prendre en compte tous les éléments déterminant le montant du préjudice subi par le salarié licencié, lorsqu’il se prononce sur le montant de l’indemnité à la charge de l’employeur (notamment l’âge et les difficultés à retrouver un emploi, après des années passées au sein de la même entreprise)».

Le conseil de prud’hommes ajoute que le barème des indemnités prud’homales est exclusif au licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si le licenciement résulte d’un « manquement particulièrement grave de l’employeur à ses obligations » (notamment : licenciement discriminatoire, harcèlement moral ou sexuel, violation d’une liberté fondamentale), le licenciement sera nul. Dans cette hypothèse, le barème ne s’applique pas et « le juge octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois » (art. L1235-3-1 c. trav.). En outre, le Conseil de prud’hommes rappelle que si la perte d’emploi a occasionné d’autres préjudices en lien avec le licenciement, le salarié est toujours susceptible d’obtenir « une réparation distincte sur le fondement du droit de la responsabilité civile ».

Depuis ce jugement, la Cour de cassation s’est également positionnée sur la conformité du barème. Par deux avis rendus le 17 juillet 2019, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse (avis n°15012 et n°15013) .

2/ La mise à l’écart du barème des indemnités par certaines juridictions

Malgré les avis précités de la Cour de cassation, plusieurs cours d’appel ont écarté l’application du barème au nom du principe de réparation adéquate et appropriée (CA Reims, 25 sept. 2019, n°19/00003 ; CA Grenoble, 2 juin 2020, n°17/04929).

Récemment, dans un arrêt du 16 mars 2021, la cour d’appel de Paris a, à son tour, écarté ce barème (Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n°19/08721). Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour motif économique. Le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel a reconnu la conventionnalité du barème mais a accordé à la salariée une indemnité supérieure au plafond prévu par le barème.

Les juges ont estimé que le plafond du barème était insuffisant. Il n’assurait pas une indemnisation adéquate et appropriée compte tenu d’un certain nombre d’éléments notamment l’effectif de l’entreprise, les circonstances de la rupture, le montant de la rémunération versée, l’âge de la salariée (53 ans à la date de la rupture et 56 ans à la date du jugement), son ancienneté (moins de 4 ans), et sa capacité à trouver un nouvel emploi au vu de sa formation et de son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard.

Les juges ont ainsi apprécié la situation « in concreto » pour décider d’écarter le barème. L’indemnisation octroyée par la cour d’appel correspondait approximativement à la perte de revenus subie entre le licenciement et la date de l’appel. Les juges ont cependant tenu compte de l’allocation de sécurisation professionnelle et des allocations de chômage perçues pendant cette période.

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