4 décisions intéressantes en juin et juillet 2020

 

Impossibilité de sanctionner le salarié en l’absence de règlement intérieur

Les entreprises soumises à l’obligation d’élaborer un règlement intérieur (entreprises de + de 50 salariés depuis le 1er janvier 2020 ou de + de 20 salariés avant cette date) ne peuvent pas prononcer une sanction disciplinaire autre que le licenciement, en l’absence d’un tel règlement (cass. soc. 1er juillet 2020)

A l’inverse, les entreprises qui ne sont pas soumises à cette obligation peuvent prononcer des sanctions disciplinaires tels qu’un avertissement ou une mise à pied disciplinaire même en l’absence de règlement intérieur.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle également, qu’il ne sera possible d’appliquer une sanction issue d’un règlement intérieur que si ce dernier est opposable aux salariés. Pour rappel, un règlement intérieur est opposable aux salariés si les formalités de dépôt et de publicité ont été respectées (projet soumis à l’avis du CSE, transmission du projet accompagné de l’avis du CSE à l’inspection du travail, dépôt ou envoi d’un exemplaire au CPH et enfin, projet porté par tout moyen à la connaissance des salariés.).

Nous vous invitons donc à veille à l’existence et à la conformité de votre règlement intérieur.

Nullité d’un licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié ayant refusé de tailler sa barbe suite à la demande d’un client de l’employeur

Dans un arrêt du 08 juillet 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation fait application au cas du port de la barbe par un salarié de sa jurisprudence relative au port d’un voile.

Pour prononcer la nullité du licenciement, la Cour relève l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur. Pour rappel, l’employeur peut intégrer, au sein de son règlement intérieur, une clause dite de « neutralité » interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, à la condition que cette dernière soit générale et indifférenciée et qu’elle ne vise que les salariés en contact direct avec la clientèle de l’entreprise.

En l’absence d’une telle clause, l’interdiction faite au salarié du port de la barbe en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques constitue une présomption de discrimination directe.

Attention à la rédaction de la lettre de licenciement pour inaptitude

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 03 juin 2020, interprète strictement l’obligation d’énoncer un motif précis dans la procédure de licenciement pour inaptitude.

En l’espèce, la Haute Cour relève que si la lettre de licenciement visait l’inaptitude du salarié et le refus par celui-ci d’une proposition de poste, la lettre ne faisait pas mention de l’impossibilité de reclassement du salarié. La Cour de cassation retient l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à l’encontre du salarié inapte.

En pratique, il convient donc de faire preuve d’une extrême vigilance lors de la rédaction de la lettre de licenciement pour inaptitude, l’absence d’une simple mention étant susceptible d’annuler la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Maintien de salaire conventionnel même en l’absence d’envoi du volet 3 par le salarié

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 24 juin 2020, statue sur le bénéfice du dispositif conventionnel de maintien de salaire par l’employeur.

En l’espèce, le salarié n’avait pas envoyé le volet 3 d’arrêt de travail à son employeur qui a donc refusé de lui verser les indemnités complémentaires en se fondant sur les dispositions de la convention collective applicable. En effet, la convention collective nationale des télécommunications prévoit que pour bénéficier des compléments d’indemnisation à la sécurité sociale, le salarié doit justifier dans les 48h de son incapacité et doit être pris en charge par la sécurité sociale. Or, l’employeur soutenait que la prise en charge par la sécurité sociale n’était possible que si le salarié avait informé la CPAM de sa maladie en lui transmettant le formulaire réglementé dont un volet est destiné à l’employeur. Selon l’entreprise, le salarié qui ne transmettait pas le volet 3 à son employeur ne pouvait donc pas bénéficier du maintien de salaire conventionnel.

Cet argument est censuré par la Haute Cour qui affirme que l’absence de remise à l’employeur du volet 3 ne fait pas obstacle au maintien de salaire dont doit bénéficier le salarié dès lors qu’il a la qualité d’assuré social.

En conclusion, l’élément déclencheur du maintien de salaire par l’employeur en cas de maladie du salarié, n’est pas la perception par le salarié des indemnités journalières de sécurité sociale, mais bien sa qualité d’assuré social.

Dans cet arrêt, la Haute Cour interprète donc strictement les dispositions de la convention collective nationale des télécommunications. Cette solution semble transposable à l’ensemble des conventions collectives nationales présentant des termes identiques. Un doute subsiste en revanche quant à l’influence de cet arrêt sur le régime légal de maintien de salaire.