CDD lancement de projetDans un arrêt du 29 octobre 2014 (12-27.936), la Cour de cassation a confirmé sa position rigide quant au recours au CDD ou à l’intérim pour accroissement temporaire d’activité. Elle a ainsi sanctionné la société Essilor international pour avoir eu recours à des contrats de travail temporaire pour un accroissement temporaire d’activité lié au démarrage de la production de nouveaux verres « Varilux Ipséo ».

La Cour a relevé que le lancement de « ce nouveau type de produit s’intégrait dans l’activité normale d’une entreprise de fabrication de verres optiques, faisant ainsi ressortir que l’employeur n’établissait pas que le lancement en question s’accompagnait de circonstances caractérisant un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise. »

Cette position conforme à la lettre du texte décourage l’entrepreneuriat des entreprises.

C’est pour cette raison que je suis favorable à la création d’un nouveau CDD : le CDD lancement de projet !

1/ Rappelons la règle applicable

Le recours aux CDD et contrat de travail temporaire est rigoureusement encadré par la loi.

L’article L. 1242-2 du Code du travail dispose qu’un « contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire », et ce notamment pour faire face à une « accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ». La règle est exactement la même pour le recours au travail temporaire, c’est-à-dire à l’intérim (art. L. 1251-6 C. trav). Les autres cas de recours tels que les emplois saisonniers, le remplacement ou les CDD d’usage de nous intéressent pas pour cet article.

En application de ces articles, l’activité de l’entreprise doit connaître une croissance particulière, pendant une période limitée dans le temps, pour que l’employeur puisse embaucher en CDD ou avoir recours à l’intérim.

La question souvent posée est celle de savoir si cette notion d’accroissement temporaire d’activité peut être entendue au sens large et ainsi permettre aux entreprises qui lancent un nouveau produit ou service ou qui s’engagent sur un nouveau marché d’avoir recours à ce type de contrats.

La Cour de cassation, qui interprète strictement la règle, répond par la négative !

2/ Un facteur de rigidité et de risque supplémentaires pour les employeurs

De manière constante, la Cour de cassation interprète strictement la notion d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Cet arrêt du 29 octobre 2014 n’est donc pas surprenant.

Rappelons, à titre d’exemples, que la Cour a considéré la condition d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise comme n’étant pas remplie dans les cas suivants :

Pour recourir au CDD ou à l’intérim pour accroissement temporaire d’activité, l’employeur doit être en mesure de démontrer que :

  • L’entreprise, dans son ensemble, connaît une augmentation de l’activité ;
  • Le recrutement vise à faire face à cette augmentation. La durée du contrat doit donc, de plus, correspondre à celle du pic d’activité !

Le recours au CDD ou à l’intérim pour ce motif est donc quasiment toujours contestable, tant la démonstration est difficile.

En pratique, l’employeur qui fait face à un besoin de main d’œuvre ponctuel dans le cadre d’un nouveau projet prend un risque juridique important en embauchant un salarié en CDD ou en ayant recours à l’intérim. A fortiori s’il ne sait pas combien de temps ce besoin ponctuel durera !

D’un point de vue juridique, l’interprétation de la Cour de cassation est conforme à la lettre du texte.

Malheureusement, cette règle constitue une source de rigidité et de risque supplémentaires pour les employeurs. Par conséquent, elle ne favorise par l’embauche !

A défaut d’obtenir un jour la réforme du motif de l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise ou l’infléchissement de sa position par la Cour de cassation, je suis très favorable à la création d’un nouveau motif de CDD : le CDD lancement de projet !

3/ Pour la création d’un CDD lancement de projet !

L’idée est simple et part d’une situation courante observée à de très nombreuses reprises :

  • Une entreprise veut tester un nouveau produit ou s’engager sur un nouveau marché ;
  • Elle a levé les fonds nécessaires au recrutement d’une équipe pour ce projet (commerciaux, ingénieurs, marketeurs…) ;
  • Le budget qu’elle est prête à consacrer à cette tentative est limité. Il correspond par exemple à environ 2 ans de salaire des salariés affectés au projet et aux moyens de fonctionnement correspondant.
  • Elle veut s’assurer qu’elle ne perdra pas davantage que le budget dédié.
  • Au moment de se lancer, pour ne pas faire courir ce risque entrepreneurial à l’ensemble de l’entreprise, elle veut donc :
    • Être certaine qu’en cas d’échec du projet, elle pourra mettre un terme aux contrats des salariés recrutés pour ce projet ;
    • Connaître par avance le coût de cette rupture pour l’intégrer dès le départ dans son budget prévisionnel total.

En l’état actuel du droit, elle ne peut recourir qu’à des CDI et ne disposera légalement d’aucun motif de rupture de ces CDI en cas d’échec du projet.

Par conséquent, l’option la plus couramment retenue est celle de la renonciation au projet, et donc aux embauches. En effet, l’entreprise, qui ne peut circonscrire son niveau de prise de risque, préfère fort logiquement bien souvent n’en prendre aucun !

De nombreux projets sont ainsi enterrés sans même avoir été testés, alors même que l’entreprise était disposée à prendre un risque financier !

Le constat est accablant : le seul frein à l’embauche est dans ces hypothèses l’inadaptation du droit du travail à la vie économique.

Je plaide donc en faveur de la création d’un CDD lancement de projet qui encouragera les entreprises à entreprendre.

CDD